Ce CA devait discuter des sanctions à prendre sur le dossier du Chti Bizuth. Si l’objectif était de discuter des sanctions et de la façon dont les sanctions pouvaient être apportées, il est évident qu’il ne s’agissait pas de les prendre en CA puisque ce n’est pas de la compétence du CA. Mais il était assez sain qu’il puisse y avoir une discussion sur le sujet lors de ce CA, puis que l’affaire avait explosé lors du précédent CA.
Avant même que la discussion puisse se lancer. M.Lascombe a annoncé que si une discussion avait lieu sur ce sujet il sortirait du CA et souhaitait être retiré du quorum. La discussion n’a rien à faire en CA selon lui. Après une brève présentation du problème par la direction, M.Lascombe sort.
Les élu-e-s Déclic, Affranchis et IEP font une remarque similaire à M.Lascombe. Une partie d’entre eux sortent également du CA.
Avant de poursuivre, nous tenons à dire que nous sommes en effet d’accord pour dire que le CA n’est pas là pour prendre des sanctions. Nous jugeons cependant irresponsable et inadmissible que des élu-e-s étudiant-e-s se permettent de boycotter une discussion sur une affaire de sexisme et de racisme à l’IEP. Les effets de manches et de mise en scène n’ont rien à faire ici, la question est trop sérieuse, trop importante. Eviter une conversation nous concernant, tou-te-s les étudiant-e-s, parce que nous y avons participé (les élu-e-s Sud s’incluent au même titre que les autres étudiant-e-s) voire que nous l’avons organisé pour certain-e-s, est en réalité éviter à tout prix de se remettre en cause.
Non ce n’est pas facile de se rendre compte que nous avons pu blesser, qu’il y a pu avoir des conséquences importantes pour certain-e-s. Ce n’est pas facile non plus d’envisager une solution à ce problème. Mais il est trop facile de refuser de voir, de refuser d’y réfléchir, de refuser d’entendre les autres. Nous ne sommes pas élu-e-s pour passer des bons moments.
Le CA se poursuit donc. Nous y détaillons donc la position adoptée collectivement par le syndicat, en ayant conscience qu’elle n’est pas parfaite, qu’elle pose un certain nombre de problème. Mais c’est celle qui nous parait être la plus juste.
L’anti-sexisme et la lutte contre l’ensemble des oppressions sont des valeurs fondamentales. Nous devons lutter pour les faire disparaitre au quotidien. Y compris lorsqu’il s’agit de blagues, de petites remarques, de petits gestes, qui seraient anodins, sans importance, qui ont pour but de rire.
Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas anodins, notre société est inégalitaire, notamment entre les hommes et les femmes, ces inégalités se concrétisent par des choses très graves que tout le monde condamne : inégalités salariales, violences physiques, etc… Mais ces inégalités ne viennent pas de nulle part. Elles sont construites socialement. Elles sont construites par l’éducation, et par toutes ces petites choses du quotidien qui nous font intérioriser des préjugés, qui nous font considérer que certains traitements sont normaux. Tous ces préjugés que nous intériorisons nous font avoir des comportements oppressifs envers les autres, oppressifs c’est-à-dire que nous les empêchons de se comporter totalement librement, sans forcément que nous nous en rendions compte ou que la personne oppressée s’en rende compte. Prenons un exemple simple : Lors de discussions en réunion ou en public les femmes ont tendances à parler beaucoup moins que les hommes, et ceux-ci ont tendance à beaucoup plus leur couper la parole (ce sont des faits statistiquement prouvés). Cela ne veut pas dire que les hommes les en empêchent volontairement. Simplement ils ont pris l’habitude de parler en public depuis qu’ils sont petits, ils ont pris l’habitude d’avoir confiance en eux, par des phénomènes de socialisation très fins. Et les femmes ont également intériorisé l’inverse, le fait d’avoir moins confiance en soi, de remettre en cause sa parole, son avis.
Ce sont tous ces phénomènes qui conduisent aux grandes inégalités de notre société. Et les blagues sexistes, racistes et discriminantes participent à leur échelle à la construction de cette société, c’est pour cela que nous luttons contre elles. Même si l’idée à l’origine est de rire et rien d’autre.
Par ailleurs il faut savoir qu’elles peuvent blesser. Elles peuvent-être très violentes sans que personne ne s’en aperçoivent. Parce que lorsque l’on fait une blague sur la pédophilie, sur le viol, la violence raciste etc… On ne sait pas si les gens autour n’en ont pas un jour été victimes. Or pour une victime il est terrible d’entendre ce genre de propos. Cette terrible souffrance qui peut être déclenchée n’est pas visible. Parce que ce sont des choses qui sont incroyablement difficile à exprimer. Il n’est pas si facile de se plaindre, de protester dans ce cas-là.
Voilà pourquoi nous prenons ce sujet très au sérieux et que nous pensons qu’il doit l’être pris par tou-te-s, avec précaution pour ne blesser personne.
Venons-en maintenant à la façon dont l’IEP doit traiter le problème : il doit y avoir une partie « prévention » mise en place pour faire comprendre aux étudiant-e-s les enjeux de la question, pour changer les mentalités et que cela ne se reproduise pas. Mais il doit aussi y avoir une sanction, ne serait-ce que parce que c’est une obligation juridique.
Sur la partie « prévention » le CA semblait accepter le fait qu’une charte sur le modèle de celle de l’égalite femme-homme que nous avions présenté soit rédigée et appliquée.
Sur la question des sanctions voici notre position lue en Conseil d’Administration :
Article 40 du code de procédure pénale.
Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 – art. 74 JORF 10 mars 2004
« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
=> La loi oblige lorsqu’il y a constatation d’un délit par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonction à ce qu’il saisisse le procureur de la république (art 40 al2 CPP).
Néanmoins l’établissement peut régler en interne le problème par une commission disciplinaire si celle-ci est compétente.
Dans notre cas : choisir la commission disciplinaire reviendrait à considérer que la faute est uniquement individuelle et non collective ( la commission disciplinaire ne juge que des individus pour leurs actes propres), et que les professeur-e-s, la direction ou les élu-e-s étudiant-e-s s’octroieraient le droit de décider de qui est censé être « jugé » par la commission disciplinaire.
Considérant que nous ne sommes pas qualifiés pour faire ces choix. (Faute individuelle / collective // Qui doit être envoyé en commission disciplinaire ?).
Nous pensons donc que la solution la plus juste et légitime soit que « l’affaire » soit jugée par la justice.
Néanmoins si ce n’était pas le cas, nous jugeons que la commission disciplinaire de l’IEP (dont nous sommes membre titulaire), n’est pas apte à se prononcer sur la question pour les mêmes problèmes de partialité. (Les personnes mises en causes étant connu-e-s de tou-te-s, ayant le même âge que nous, évoluant dans la même école),
Nous demandons auquel cas à ce que la commission disciplinaire du CNESER soit saisie.
Pour ce qui est des sanctions financières évoquées contre le BDE : d’une part nous n’avons pas à nous octroyer le droit de sanctionner en décidant nous de la sanction, d’autre part le BDE touché serait le nouveau BDE auquel nous n’avons pour le moment rien à reprocher, nous sanctionnerions donc de manière totalement injuste : nous sommes contre une sanction financière pesant sur le nouveau BDE.
Notre position a été renforcée par les arguments du vice-président de Lille 2, juriste, qui a expliqué qu’il était absolument illégal de sanctionner une association via une modification de ses subventions. Que toute baisse de subvention votée par le Conseil d’Administration justifiée par le livret du Chti-Bizuth n’était pas autorisée par la loi.
Il s’agissait pourtant là de la position de Benoit Lengaigne et de l’ensemble des élu-e-s étudiant-e-s : supprimer les subventions du BDE.
Nous avons conscience que notre position peut effrayer, qu’elle semble trop radicale. Nous tenons à le dire ici, elle n’a pas été facile à définir. Nous ne l’avons pas construite à la légère, elle a été le fruit d’une longue réflexion, collective où nous nous sommes efforcé-e-s de nous demander ce qui était le plus juste et impartial comme moyen de décision et non pas quelle sanction nous paraissait juste à nous. Tout en sachant qu’aucune de ces solutions n’est réellement juste.
Nous nous tenons à la disposition de toutes et tous pour expliquer notre position, discuter et réfléchir ensemble.
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