Le vendredi 17 avril, le conseil de la Métropole Européenne de Lille (MEL / ex-LMCU) a validé (à la quasi-unanimité) une nouvelle grille tarifaire pour le réseau de transports urbains Transpôle. Le but avoué : répondre au désengagement financier des pouvoirs publics en augmentant les tarifs pour les usager-e-s.
Ainsi, le ticket unitaire augmente de près de 7% (de 1,50 à 1,60€), le carnet augmente de 12% (de 12,50 à 14€) tandis que le ticket ZAP augmente de… 25% (de 0,80 à 1€).
Cette hausse généralisée des tickets sera appliquée à partir du 1er janvier 2016.
Étudiant-e-s et chômeur-se-s en première ligne
Non content-e-s de s’arrêter là, les élu-e-s à la communauté urbaine ont également décidé de supprimer purement et simplement les (rares) tranches de gratuité¹ et les dispositifs de réductions qui existaient en fonction du statut : finie la gratuité pour les collégien-ne-s², finie la gratuité pour les chômeur-se-s³ et… finis les tarifs de réduction pour les lycéen-ne-s et étudiant-e-s boursier-e-s !
À ces réductions ou tranches de gratuité est substitué un système de réductions basées sur le quotient familial. Inutile de souligner que ce mode de calcul est bien plus restrictif.
Ainsi, par exemple, un-e étudiant-e boursier-e échelon 04 verra son abonnement mensuel passer de 18 à 28€ (+56% !)
Soulignons que, pour le moment, ni la MEL, ni Transpôle n’ont encore daigné communiquer cette nouvelle grille tarifaire dans le détail. Il reste donc encore de nombreuses zones d’ombre (par exemple, quid de la gratuité pour les accompagnateurs des personnes mal-voyantes ? supprimée aussi ?)
On criminalise des fraudeurs pendant que les actionnaires se gavent
Mais ce n’est pas la crise pour tout le monde ! Kéolis, la société-mère de Transpôle, a reversé en 2012 plus de 28 millions d’euros à ses actionnaires, un chiffre en progression constante. Au moins, on sait où va notre argent.
Mais qu’une multinationale s’engraisse sur des délégations de service public n’a pas l’air de choquer les élu-e-s de la MEL. Pour eux, le véritable ennemi, ce sont les « fraudeurs ». Ils ont donc lancé une croisade contre ces dernier-e-s, qui représenteraient un « coût » colossal pour Transpôle.
Dans cette optique, 7 « portiques » vont voir le jour en 2017 dans les stations de Tourcoing centre, Eurotéléport Roubaix, Lille Flandres, Lille Europe, République Beaux-arts, Porte de Douai et Porte des Postes.
Mais pourquoi un tel acharnement, surtout au vu du coût exorbitant de ce dispositif (10 millions d’euros) ?
Gerald Darmanin, vice-président aux transports à la MEL nous explique ça. Il rappelle que la lutte contre la fraude est censée être prise en charge par l’exploitant (Transpôle/Keolis), mais que la MEL doit également soutenir cette lutte car « de mauvaises performances motiveraient peu de candidats pour le renouvellement de la délégation de service public en 2017 ». En d’autres termes : l’argent public doit servir à fliquer les usager-e-s afin de rassurer les actionnaires sur l’aspect lucratif de la délégation de service public.
Hallucinant.
Une seule solution : la gratuité des transports
Si certain-e-s usager-e-s (dont pas mal d’étudiant-e-s) fraudent actuellement les transports, ce n’est pas par goût du risque, ou parce qu’ils/elles sont des « geeks » ou des « libertaires » (sic). Tout simplement, à l’heure où, dans notre société, les inégalités s’accroissent considérablement et que la précarité s’installe durablement, tout le monde n’est pas en mesure de payer des titres de transports en constante augmentation depuis des années, dans le seul but de satisfaire l’appétit d’actionnaires de telle ou telle multinationale.
La seule solution acceptable, c’est de rendre (enfin) gratuits les transports publics, comme l’envisagerait, par exemple, la ville de Dunkerque (à partir de 2018), ou comme cela se fait à Aubagne (Bouches-du-Rhône) depuis 2009.
Se déplacer est un droit, et Transpôle est déjà en très grande partie (70%) financé par l’argent public.
La gratuité permettrait de faire des économies sur le coût de la billettique5… et sur le coût des actionnaires !
¹ En faisant payer, on « responsabilise » les gens, qu’il a dit, Gérald Darmanin. Salauds de chômeurs et de lycéens irresponsables !
² La gratuité pour la majorité des lycéen-ne-s avait déjà été supprimée en 2012. Seul-e-s les lycéen-ne-s issu-e-s d’un foyer fiscal non imposable étaient épargné-e-s. Qu’à cela ne tienne : avec cette nouvelle grille tarifaire, ils/elles paieront également !
³ Certain-e-s demandeur-se-s d’emplois avaient en effet la gratuité des transports dans des conditions relativement restreintes (la formule « Iris »).
4 Note : il est difficile de faire des estimations précises sur les changements que cela va entraîner pour les étudiant-e-s boursier-e-s, dans la mesure où les réalités des un-e-s et des autres sont très différentes. Les modes de calcul des bourses du critères sociaux se basent essentiellement sur le revenu des parents (même si l’étudiant-e est indépendant-e), tandis que les tarifs Transpôle se baseront sur le quotient familial, et donc sur les revenus imposables du foyer fiscal (différent de celui des parents si l’étudiant-e est indépendant-e fiscalement). Ces étudiant-e-s fiscalement indépendant-e-s s’en sortiront donc certainement un peu mieux.
5 Et au passage, ça nous débarrassera du flicage auquel nous soumet Transpôle.
10 commentaires sur “Hausse des tarifs Transpôle : taxer les étudiant-e-s et les chômeur-se-s pour engraisser les actionnaires”