« Quand une féministe est accusée d’exagérer, c’est qu’elle est sur la bonne voie » Christine Delphy
L’Enseignement Supérieur et Sciences po Lille : un univers gangrené par le sexisme.
Il aboutit, par des systèmes de harcèlement, de mépris, d’agression physique et morale ou de viol, au retrait des femmes de l’espace public, à des stratégies d’évitement et de protection face aux violences. Il serait fou d’imaginer qu’au sein de notre société patriarcale, l’enseignement supérieur et la recherche, historiquement lieu de la domination masculine par la confiscation du savoir et du pouvoir, puisse être exempt de ces discriminations.
C’est que le problème est de taille ! Outre les violences sexistes et agressions sexuelles, les femmes sont globalement invisibilisées et exclues des postes de l’ESR, notamment les plus prestigieux.
Du côté des enseignant.e.s, les femmes représentent en 2011, selon le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, 42% des maîtres de conférences mais seulement 22,5% des professeur.e.s des universités et 14,8% des président.e.s d’université. Le bilan est également accablant du côté des étudiant.e.s : en 2011 les femmes représentent 57% des effectifs de Licence et de Master mais elles ne sont que 48% de doctorant.e.s.
A l’université, les femmes semblent n’être les bienvenues qu’au sein de filières considérées comme « féminines », pour n’occuper que les postes les moins prestigieux. Elles sont en effet minoritaires, toujours selon le ministère de l’ESR, dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d’ingénieurs. La France se classait d’ailleurs bonne 17e sur 22 dans sa part de femmes nouvellement titulaires d’un doctorat dans l’OCDE en 2009 [3]. Nous pourrions accumuler les chiffres sur des pages et des pages : le sexisme dans l’ESR en France n’est plus à prouver.
Parmi nos enseignant.e.s chercheu.ses.rs aucune femme n’est professeure des universités[4] (ce qui pose par ailleurs un certain nombre de problèmes dans la constitution de liste paritaire dans les diverses commissions).
Le dernier témoignage en date (posté il y a moins de 24h lors de l’écriture de cet article) : « Cette fille-là, même avec ta bite je ne la baise pas. ».
Sans même prendre la peine de relever le langage fleuri que cet étudiant emploie pour parler de ses congénères féminines, nous sommes ravi.e.s d’apprendre qu’en 2018 les femmes peuvent encore, au cours d’une conversation badine, être méprisées ouvertement pour leur physique, ramenées au statut de bout de viande « baisable » ou « pas baisable ».
Cette violence sexiste est loin d’être un phénomène récent : déjà en mars 2015 une enseignante avait dénoncé lors d’un Conseil d’Administration (CA) le caractère sexiste (mais également raciste et homophobe, comme quoi certaines personnes aiment aller au bout de leurs idées nauséabondes) du livret de chants distribué aux 1A lors de leur « intégration » par le BDE de l’époque. La « révélation » de ce secret de polichinelle avait secoué Sciences Po Lille, alors même que notre syndicat proposait pour la première fois à l’ordre du jour d’un CA la signature d’une Charte égalité de genres[6].
Pour un enseignement supérieur féministe, égalitaire et émancipateur !
Pêle-mêle, nous proposons depuis longtemps la mise en place de cellules de veille contre le harcèlement au sein des universités[7], mesure reprise par le gouvernement à la rentrée 2018[8], de plus lourdes sanctions contre les enseignants sexistes et harceleurs, la signature d’une Charte anti-discriminations par les associations étudiantes, la systématisation de l’écriture inclusive au sein de l’université ou encore la fin de toute forme de « bizutage », moment propice aux violences sexuelles et humiliations genrées[9].
Une société patriarcale ne se transforme malheureusement pas en un jour, il est également de la responsabilité des enseignant.e.s et des étudiant.e.s de favoriser la visibilité des chercheuses et inventrices de leur discipline, de dénoncer les violences sexistes et les discriminations, de refuser l’indifférence face à l’exclusion des femmes des sphères de savoir. [10]
A Sciences Po Lille comme ailleurs les femmes et les minorités de genres ne se tairont plus jamais ! Les auteurs de violences sexistes doivent être sanctionnés. Ce n’est plus aux victimes d’avoir peur mais bien à leurs agresseurs. Nous refusons d’être rabaissées, humiliées, violentées pour notre genre et revendiquons une université égalitaire où chacune pourra étudier librement sans discrimination ou violence. Cette université nouvelle passe par une prise de conscience par les étudiant.e.s et les personnels enseignant.e.s et non enseignant.e.s de la violence du sexisme au sein de l’ESR mais également de l’application rapide d’une série de mesures concrètes. Nous appelons la direction de notre établissement à prendre ses responsabilités et continuerons de lutter pour l’émancipation des femmes et minorités de genre à Sciences Po Lille et partout ailleurs !