Beaucoup d’étudiants ne peuvent payer une complémentaire santé et donc ne sont pas entièrement couverts pour leurs dépenses de santé. Face à ce constat, deux conceptions s’affrontent :
* demander à la collectivité de payer les contrats des compagnies privées vendant des complémentaires santé à la place de ces étudiants. C’est ce qu’on appelle le « chèque santé » .
* demander à la collectivité d’étendre la protection santé pour englober les dépenses actuellement non couvertes et qui doivent actuellement être prises en charge par une « complémentaire santé ».
Dans les deux cas il s’agit de demander à la collectivité de venir en aide aux étudiants afin qu’ils puissent se soigner correctement, mais les conséquences sont très différentes.
Dans un cas, on rend le système, déjà ingérable, encore plus complexe, en occasionnant un transfert massif d’argent public vers des opérateurs privés qui ont déjà démontrés leur incompétence et responsables de nombreuses dérives (cf sur ce sujet le dossier de l’UFC Que Choisir sur les mutuelles étudiantes)(1).
Dans l’autre, on réorganise de façon cohérente la protection sociale à destination des étudiants en confiant à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) la mission de mieux rembourser les étudiants. L’assurance maladie ayant des coûts de gestion trois fois inférieurs aux « mutuelles étudiantes », on économise alors des sommes conséquentes en offrant un service bien meilleur aux étudiants. Au passage, on en profite pour confier la totalité de la gestion du régime de sécurité sociale étudiant(2), actuellement délégué aux « mutuelles » (qui ne sont donc pas que des complémentaires), à la CPAM, ce qui nous permet, à nouveau d’économiser en frais de gestion.
Les étudiants sont mieux couverts, l’accès aux soins est donc facilité et l’état de santé des étudiants s’améliore.
Pourquoi un tel choix n’est pas fait ?
La réponse est relativement simple : les mutuelles, qui vendent des complémentaires santé souvent inadaptées aux besoins des étudiants et/ou assez coûteuses, ne veulent pas perdre ce gros gâteau et font tout pour que le maximum d’étudiants payent ces complémentaires. Ils font bien sur appel au mensonge et à la désinformation comme l’a montré l’UFC Que Choisir. Ils multiplient les gammes : ainsi la LMDE a créé il y a quelques années une complémentaire moins chère mais beaucoup moins protectrice. Cela a eu pour mécanisme d’améliorer ses ventes mais, globalement, de baisser la protection de ses adhérents qui privilégiaient le nouveau forfait.
Mais certains étudiants ne peuvent tout de même pas payer : la seule solution qu’ils ont trouvé est de demander à la collectivité (l’État ou, à défaut, les collectivités territoriales), qui est déjà leur principal financeur via l’argent versé par la CPAM pour chaque étudiant affilié (52€ cette année), de payer. Leur idée est relativement simple. En s’inspirant du chèque éducation imaginé par Milton Friedman, un penseur du néolibéralisme économique qui a expérimenté ses théories au Chili de Pinochet, ils ont imaginé le « chèque santé ». La collectivité payera la complémentaire santé pour les étudiants. On bride un système public qui fonctionne bien avec des coûts de gestion très bas et on finance grassement des structures privées dont la gestion calamiteuse est une constante et où les coûts de gestion sont trois fois plus élevés que ceux de la CPAM.
On pourrait raisonnablement s’attendre à ce que nos élus, qui n’ont ces derniers temps que le mot économie en bouche, se saisissent de cette question et remettent un peu d’ordre dans ce système dysfonctionnel(3), mais il n’en est rien.
Plusieurs régions ont créé un tel « chèque santé » et les mutuelles réclament maintenant un » chèque santé national « . Ainsi une députée « Front de Gauche », Jacqueline Fraysse, a tenté d’introduire un amendement dans la loi transposant l’ANI pour que chaque étudiant accède à une complémentaire santé avec un tel système de chèque santé national.
Nos élus sont ils idiots ? Pas plus que la moyenne, mais les mutuelles font un intense lobbying auprès d’eux et elles ont réussi à s’entourer d’organisations étudiantes qu’elles financent et qui défendent avec zèle la main qui les nourrit(4).
(1) voir l’article (« Dossier de l’UFC-Que Choisir sur les mutuelles étudiantes – Enfin quelqu’un brise la loi du silence ! » – 12 septembre 2012)
(2) voir l’article (« Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale, le gouvernement a oublié les étudiants ! » – 3 octobre 2012)
(3) voir l’article (« La santé des étudiants, un sujet jamais traité avec l’attention qu’il mérite à l’assemblée. » – 08 novembre 2012)
(4) voir l’article (« Intérêt général et intérêts particuliers dans la santé étudiante » – 15 juin 2012)