Chaque année, depuis maintenant sept ans, les membres du syndicat SUD Solidaires Etudiant-e-s à l’IEP réalisent une enquête sociale auprès des étudiant.e.s de Sciences Po Lille, pour palier à l’absence totale de ce type d’initiative de la part de la direction de l’établissement.
Comme toujours, le thème principal de l’enquête est celui de la « précarité », dans une acception de plus en plus large depuis 2012.
Au-delà de questions sur les dépenses (loyers, frais d’inscription…) et aides perçues (APL, bourses…), des questions sur les conditions de vie (santé, transport…) ont été ajoutées d’année en année, pour aboutir aux 30 questions proposées cette année.
Depuis 2016, des questions relatives aux discriminations (sexisme, homophobie…) ont été intégrées, et cette année, nous avons ajouté des questions portant sur l’alimentation des étudiant.e.s.
Cette enquête pour l’année 2018 – 2019 a été menée du 16 au 31 Octobre et avons recueilli 363 réponses, soit 40 de plus que l’année précédente. La participation s’élève donc à environ 20% des étudiant.e.s de l’établissement. Les résultats sont anonymes. Nous avons obtenu la meilleure participation depuis le lancement de cette enquête. Cependant, il existe une surreprésentation des étudiant.e.s boursier.e.s dans ces résultats, plus susceptibles de se sentir concerné.e.s par une enquête sociale. Nous invitons donc tou.te.s les étudiant.e.s à répondre à notre prochaine enquête pour une meilleure représentativité, et à terme mieux cerner leur situation économique et sociale.
Depuis 5 ans, nous faisons le choix de ne diffuser qu’une enquête sous format électronique via le réseau social Facebook. Diffuser l’enquête sous format papier, comme en 2013, ne permet qu’une participation inférieure (275 étudiant.e.s en 2013) et nécessite davantage de traitements. Pour plus d’efficience, nous avons demandé que cette enquête soit prise en charge par l’administration de Sciences Po Lille, afin qu’elle puisse l’envoyer à l’ensemble des étudiant.e.s par mail. Cette requête nous a été refusée encore cette année.
1. Remarques générales sur l’échantillon
Il s’agit d’une enquête auprès d’un public non-exhaustif avec un biais de sélection contraint (être inscrit.e sur Facebook et membre de son « groupe de promo »). Au vu du faible taux de réponse, l’échantillon n’est pas entièrement représentatif comme nous le constaterons plus loin. Néanmoins les ordres de grandeur constatés sont très instructifs.
Les femmes sont légèrement moins nombreuses à avoir répondu au questionnaire que lors des années précédentes : 61,4% des sondé.e.s se déclarent de genre féminin, contre 65,5% en 2017, et 63,7 en 2016. 37,2% des sondé.e.s se déclarent de genre masculin. Nous avons également noté que 0,8% des personnes interrogé.e.s, soit 3 étudiant.e.s, ne se sont déclaré.e.s ni de genre masculin, ni de genre féminin (personnes transgenres, en questionnement, …), chiffre proche de celui de l’année dernière. Ces données rejoignent les données de féminisation de l’IEP.
Les sondé.e.s ne sont pas équitablement réparti.e.s entre les promotions : Les 1A sont sur-représenté.e.s avec 30,6% de réponses, contrairement aux 3A et 5A représentant respectivement 11,8% et 14,6% des sondé.e.s. Cependant, la participation de ces promotions ayant augmenté par rapport à 2016 et 2017, on observe une répartition des réponses plus équitable que lors des années précédentes.
79,6% des étudiant.e.s sondé.e.s sont en filière générale. Le reste se partage entre les FIFE (4,7%), FIFA (8,3%), FIFB (5,2%) et les autres (2,2%) cette dernière catégorie regroupant les étudiant.e.s internationaux.ales, et les doubles cursus. Ces chiffres sont très proches de ceux de l’année dernière.
2. Logement et transport
10,4% des étudiant.e.s interrogé.e.s déclarent vivre chez leurs parents, ce qui est largement en dessous de la moyenne régionale (50%) et en légère hausse par rapport à l’an dernier (+2 points). 2,8% des étudiant.e.s interrogée.e.s sont logé.e.s dans une résidence Crous, alors que la moyenne régionale est de 7%, ce qui est également stable (-0,6 point depuis 2017, -1,2% depuis 2016).
Les loyers varient entre 0 et 740 euros par mois. Si l’on exclut les étudiant.e.s logé.e.s chez leurs parents, la moyenne des loyers s’élève à 436 euros avec une médiane légèrement supérieure (450). La moyenne des loyers a donc diminué de 20 euros depuis 2017, mais la médiane est restée la même. Tout comme l’année dernière, plus de la moitié des étudiant.e.s ont un loyer compris entre 390 et 500 euros. Ces prix correspondent à ceux du marché lillois, et sont quasiment identiques à ceux constatés lors de la précédente enquête sociale.
La durée moyenne du temps de trajet d’un.e étudiant.e (à pied ou à vélo la plupart du temps) est de 14,3 minutes, en baisse de 0,5 minutes depuis l’année dernière. Notons que plus d’un quart des interrogé.e.s déclarent un trajet égal ou supérieur à 20 minutes.
Une nouvelle question a été ajoutée cette année, afin d’avoir une idée du pourcentage d’étudiant.e.s ayant fait face à des problèmes d’insalubrité depuis qu’iels sont dans l’enseignement supérieur. 21,9% des sondé.e.s ont répondu avoir déjà dû subir ce genre de difficultés, soit plus d’un.e étudiant.e sur cinq. Cette nouvelle question révèle donc à quel point ce genre de problème est répandu dans les logements étudiants.
Le pourcentage d’étudiant.e.s déclarant avoir des problèmes financiers pour se déplacer à Lille est en hausse de 2,5 points par rapport à l’année dernière, et s’élève à 9,3%.
3. Frais d’inscription
La moyenne des frais d’inscription pour cette année 2018-2019 se situe à 693 euros (en comptant les boursier.e.s) et la médiane à 1390 euros. On observe donc une diminution de 807 euros de la moyenne des frais d’inscription depuis l’année dernière. Cette soudaine chute peut être expliquée par le fait que la participation des boursier.e.s à notre enquête cette année est exceptionnellement élevée, comme nous le verrons plus loin, ce qui tire la moyenne vers le bas.
4. Bourses et aides
Bourses du CROUS
Cette année, 65,9% des sondé.e.s se déclarent boursier.e.s, ce qui constitue une hausse de 31,8 points par rapport à l’année dernière. Le nombre de boursier-e-s étant resté relativement stable ces dernières années (autour d’un tiers environ), il est difficile de croire qu’il serait soudain passé à deux tiers des étudiant.e.s de l’IEP. Il semblerait donc que cette année, notre enquête sociale ait été marquée par une participation exceptionnellement forte des boursier.e.s, et qu’elle ne soit par conséquent pas représentative de la situation de l’IEP sur ce point précis.
Notons cependant que 45% des personnes ayant répondu à la question “Êtes-vous boursier.e du CROUS sur critère social ?” (sur un échantillon plus réduit de 121 personnes qui ont répondu oui) relèvent de l’échelon 0 bis, 15,7% de l’échelon 1, et 14% de l’échelon 2. Ces chiffres sont très proches de ceux de l’année dernière, et toujours très loin des données régionales (50% de boursier.e.s et près d’un tiers à échelon 6 ou 7 contre environ 5% à Sciences Po Lille). La conclusion que l’on peut tirer est donc la même que celle des enquêtes précédentes: si il y a effectivement un nombre conséquents de boursier.e.s à Sciences Po Lille, les échelons les plus élevés sont bien moins présents que dans les autres établissements d’enseignement supérieur. Une sélection sociale due au concours commun ?
Autres aides
La proportion d’étudiant.e.s touchant les aides au logement est en forte baisse. Elle atteint 61,9% contre 68% en 2017, une baisse qui peut s’expliquer par la plus grande participation des 3A. Cet indicateur montre que, même à Sciences Po Lille, la baisse de 5 euros des APL/ALS et leur refonte va concerner une grande majorité d’étudiant.e.s.
5. Santé des étudiant.e.s
Couverture santé
38,4% des étudiant.e.s sont inscrit.e.s à la SMENO et 36,1% à la LMDE. 8,1% bénéficient du régime spécial de l’un.e de leurs parents et 6 étudiant.e.s sont au régime général du fait de leur activité salariale réalisée en parallèle de leurs études. 80,2% des étudiant-e-s bénéficient d’une complémentaire santé d’un-e de leurs parents, ou bénéficient de la CMU. 8,9%, contre 5% en 2017, des étudiant-e-s souscrivent à une mutuelle supplémentaire de la LMDE et de la SMENO. Enfin 9,2% des étudiant-e-s bénéficient d’une autre mutuelle, chiffre également en augmentation de 1 point. 77,9% des sondé-e-s déclarent avoir rencontré des problèmes avec leur centre de gestion de sécurité sociale ou leur complémentaire santé.
Renoncement aux soins et difficultés
Nous nous inquiétons d’une stabilisation à un niveau relativement haut du nombre d’étudiant.e.s qui déclarent avoir renoncé à des soins cette année. Ils/elles représentent 13,4% des sondé.e.s contre 11,5% en 2017. Nous restons néanmoins très en dessous de la moyenne nationale, notamment du fait du nombre élevé d’étudiant.e.s qui bénéficient d’une mutuelle d’un.e de leurs parents. 22,1% des étudiant.e.s déclarent avoir rencontré des problèmes ou des difficultés avec leur « mutuelle » (sécurité sociale étudiante ou complémentaire), un chiffre stable après un net recul de 5 points entre 2015 et 2016.
Burn-out, stress, panique, dépression
Etre étudiant.e, à fortiori dans une grande école, n’est pas « de tout repos ». Nous avons inséré une question sur les problèmes psychiques que peuvent rencontrer les étudiant.e.s (burn-out, stress, panique, dépression) depuis 2016. Le résultat surprenant et inquiétant de l‘an dernier (22,4% des étudiant.e.s déclarent avoir eu des absences liées à ce type de problème) se confirme : cette proportion s’élève en effet à 21,2%. Rappelons que ces problèmes sont souvent difficiles à déclarer ou à faire reconnaître par le corps médical.
6. Salariat étudiant
La proportion d’étudiant.e.s salarié.e.s connaît une légère baisse à 14,7% (-1,1 point). Cette proportion est donc loin d’être négligeable même si la moitié des étudiant.e.s françai.se.s doivent se salarier pour financer leurs études (enquête OVE). On observe une forte disparité des volumes horaires avec deux blocs : l’un au-dessous de 4 heures hebdomadaires et l’autre au-delà de 8h, ce qui révèle l’intérêt de l’amélioration du statut d’étudiant.e salarié.e. 8 étudiant.e.s déclarent être en intérim et ne peuvent donc pas avoir accès au RSE, malgré les nombreuses heures effectuées. 10,3% des étudiant.e.s déclarent également avoir une activité non salariée (auto-entrepreneuriat, travail non déclaré…) en parallèle de leurs études.
Notons que 74,4% des étudiant.e.s ont travaillé cet été, soit une hausse d’un peu moins de 10 points, un chiffre élevé malgré la fin des stages obligatoires.
7. Alimentation
Pour la première fois cette année nous avons ajouté des questions sur l’alimentation dans le sondage. 13,6% des personnes interrogé-e-s ne pensent pas avoir une alimentation correcte ou suffisamment variée, notamment pour des raisons budgétaires. 35% des étudiant-e-s estiment leurs dépenses alimentaires à plus de 200 euros par mois, tandis qu’un quart des sondé-e-s l’estiment à moins de 100 euros.
8. Discriminations
Étant donnée l’actualité interne de l’IEP, nous avons depuis 2016 d’insérer un module relatif aux discriminations. 36% des étudiant.e.s ont été témoins ou victimes de propos ou de comportements sexistes, racistes ou LGBTphobes, un chiffre en augmentation (+1,4 points). Sur le nombre de personnes qui ont précisé la nature et le contexte de ces propos et comportements discriminatoires, 19% des sondé.e.s évoquent des propos discriminatoires en cours de la part des étudiant.e.s et des enseignant.e.s, 58% évoquent les mêmes cas au sein d’associations, d’événements ou dans les couloirs de l’école et 11% sur les réseaux sociaux. Enfin, encore plus inquiétant, 11% des personnes interrogées ont signalé des cas de harcèlement de la part des étudiant.e.s et des enseignant.e.s. Il y a évidemment une sous-évaluation de la fréquence de ces discriminations puisque beaucoup de répondants viennent d’arriver et n’ont pas pu être témoin des discriminations au sein de l’IEP. Un traitement qualitatif des précisions laissées par les répondant.e.s montre que les micro-agressions (propos et « blagues » sexistes, racistes ou LGBTphobes, comportements virilistes en soirées) sont les cas les plus fréquents.
On peut déduire une tendance à l’invisibilisation de ces violences par les étudiant.e.s puisque 4 personnes ont déclaré ne pas avoir vécu, ni observé ce genre d’agressions et défendent la vision d’un IEP comme un espace “safe”, alors que 36% des sondé.e.s déclarent pourtant avoir été témoins ou victimes de propos ou de comportements discriminatoires. Certaines personnes ne sont pas confrontées à ce genre de situation et semblent donc aveugles aux réalités discriminatoires.