Le 12 décembre dernier a eu lieu le premier Conseil d’Administration avec les nouveaux-elles élu-es. Le contexte de mobilisation nationale était d’autant plus une motivation pour porter nos revendications face à l’administration et défendre notre vision de l’enseignement supérieur. Ce Conseil d’Administration était d’ailleurs stratégique, puisque le budget de l’IEP allait y être voté.
>> Démission de Gérald Darmanin
La première nouvelle d’importance et une surprise de taille a été la démission de Gérald Darmanin du CA (Conseil d’Administration). Pour rappel, il était élu en tant que personnalité extérieure depuis plusieurs années. Malgré son absentéisme mais surtout malgré la mobilisation étudiante qui a eu lieu à l’occasion de sa nomination, (Gérald Darmanin est un raciste et homophobe notoire et a été plusieurs fois accusé de viol, le non-lieu dont il a bénéficié étant par ailleurs ré-examiné par la justice depuis un mois), notre directeur Pierre Mathiot avait à nouveau soumis sa candidature l’année dernière. Cette démission n’est pas expliquée.
Nous avons avec les autres élu.e.s décidé de demander des explications à Pierre Mathiot sur cette démission. Celui-ci nous a répondu qu’iels avaient été informé.e.s de cette démission il y a trois mois mais que la procédure fut complète il y a seulement trois semaines. Iels n’auraient eu aucun contact avec le ministre mais seulement avec son cabinet, les informant que Gérald Darmanin ne pouvait être “présent aux CA pour des raisons d’agenda trop chargé et que cela n’était pas satisfaisant”.
Même si ses absences étaient déjà bien nombreuses avant qu’il souhaite être nommé une deuxième fois au CA, nous sommes heureux-ses de savoir qu’il n’a plus sa place à l’IEP mais refusons de crier victoire : ce n’est pas sa conscience qui l’a poussé à quitter ce poste.
>> Un président du CA sexiste.
Lorsque que le président du Conseil d’Administration appelle les élues “mademoiselle”, et que celles-ci, à plusieurs reprises, le corrigent par “madame”, il est facile de voir de quel côté l’orgueil mal placé se trouve. S’il s’agit peut-être là pour certain.e.s d’un détail, il était tout à fait humiliant de la part d’Eric Charpentier de provoquer les élues du CA en s’obstinant à les interpeller de la sorte et en appuyant même ce terme après que notamment Sandrine Rousseau l’ait corrigé. Nous rappelons qu’une circulaire de 2012 supprime les termes «Mademoiselle» des formulaires et correspondances des administrations, mais monsieur Charpentier s’est amusé à préciser que cela ne concernait que ces cas précis. Il s’est également scandalisé, pour ne pas dire énervé, de l’utilisation de l’écriture inclusive, affirmant que cela était interdit dans les papiers officiels. Cependant, la circulaire de 2017 qu’il cite est destinée aux services du gouvernement et de l’État (ce qu’a dit Edouard Philippe), cette circulaire établit «les règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française». A Sciences Po Lille, la Charte égalité de genre, adoptée par le Conseil d’Administration le jeudi 4 décembre 2017, impose « d’utiliser l’écriture inclusive dans tous les documents administratifs ainsi que dans la communication interne et externe de Sciences Po Lille ». Il serait peut-être temps pour Eric Charpentier d’apprendre à se comporter de manière décente lorsqu’il s’adresse à ses collègues féminines, surtout quand on sait la prégnance des discriminations sexistes dans l’enseignement supérieur et la recherche, et plus particulièrement à Sciences Po Lille.
[Paragraphe supprimé en raison d’une erreur sur l’identité de la personne incriminée.]
>> Des frais d’inscription pour investir dans l’immobilier ?
Face au résultat du budget précédent, nous avons interrogé le CA sur celui-ci. En effet l’IEP dispose d’un fond de roulement (épargne) qui s’élève aujourd’hui à 3 millions d’euros. Pierre Mathiot nous a annoncé qu’une partie de ce fond allait être investi dans un projet immobilier afin que Sciences Po Lille dispose de nouveaux locaux. Si une partie déjà sera allouée au projet de la bibliothèque (1 million déjà prévu au CA d’octobre 2018), il y aurait nécessité d’investir l’ensemble de cette épargne, puisque l’Etat peut venir les récupérer, “et c’est déjà arrivé” nous avait rappelé Pierre Mathiot. C’est en effet ainsi que l’IEP participe au désengagement de l’Etat dans le financement de l’enseignement supérieur. En 2015, l’Etat a “confisqué” 500 000€ à Sciences Po Lille qui avait un fond de roulement supérieur au plafond légal. En nous rappelant ce fait, Pierre Mathiot confirme lui-même ce que nous dénoncions déjà (cf. notre cahier de revendications), fait que plusieurs membres de la direction avait pourtant démenti encore récemment. Si il nous a été répondu que le fond de roulement servait à financer des projets utiles, tels que la bibliothèque par exemple (120 places supplémentaires seront créées et un ascenseur sera installé), il a été ajouté que ce budget était prévu selon la hausse des frais d’inscription, alors même que le budget est déjà excédentaire de 150 000€. En résumé, alors que plusieurs tranches des frais modulés ont été augmentées l’année dernière, l’IEP fait payer ses étudiant.e.s, fait du bénéfice dessus, appuyant soit le désengagement de l’Etat dans son financement de l’école, soit permettant des investissements immobiliers… A quand la spéculation pour nos frais d’inscription ?
Nos élu.e.s ont voté contre ce budget.
>> L’excellence oui, mais pas avec les autres !
Précédées par une annonce en mars 2020, c’est en septembre 2020 que les conditions d’un partenariat entre plusieurs établissements universitaires de la métropole lilloise seront proposées. Dès sa réélection, Pierre Mathiot annonçait la couleur : “Je suis favorable à une intégration de notre école dans la future Université de Lille à naître de l’accord entre l’Université de Lille et les Grandes Écoles”. Cela s’inscrit dans sa volonté de faire des unités communes pour faire des écoles plus « compétitives », par l’I-SITE (Initiatives – Science – Innovation – Territoires – Economie). Il s’agit d’un “label d’universités d’excellence”. Créé par l’Etat, il cherche à fonder des ensembles, des pôles d’excellence, de rang mondial. Concrètement il s’agit d’un concours auquel postulent différent “pôles” (ici un ensemble qui regrouperait des établissements universitaires et grandes écoles de la métropole lilloise), le ou les gagnants remportent une dotation de l’Etat, pouvant aller jusqu’à 800 millions d’euros. Autrement-dit, en prétendant vouloir financer la recherche par ce dispositif, l’Etat ne fait que favoriser des regroupements d’établissements, dans une perspective d’excellence, qui à terme a pour résultat la baisse de budget et de personnel… pas les meilleurs conditions pour l’excellence ! Mais attention ! Pierre Mathiot a bien insisté sur le fait qu’il serait intransigeant quant à l’autonomie de Sciences Po Lille dans ce grand ensemble, notamment au niveau de son budget et de son Conseil d’Administration. Ouf, sauvé.e.s !
>> Des modifications pour les montants attribués en CVA
En raison d’une incompréhension concernant l’attribution de l’enveloppe de 12 000€ réservée aux MUN, il a fallu redistribuer celle-ci afin que l’association Iniciativa ne se retrouve pas dans le rouge. Après une réunion avec l’association Munwalk, il a été décidé de prendre 500€ de leur budget alloué afin de le donner à Iniciativa. Nos élu.e.s ont voté pour cette modification.
>> Des petites avancées…
Vers une exonération des frais de concours pour les boursier.e.s ? Lorsque nous l’avions rencontré avant sa réélection au poste de directeur, Pierre Mathiot nous avait fait envisager une baisse des coûts du concours pour les boursier.e.s. Il n’envisageait pas à l’époque que le concours puisse être complètement gratuit pour les boursier.e.s, affirmant qu’il est contre la gratuité “pour les défavorisé.e.s” car “ils doivent contribuer”. Heureusement pour nous, il semblerait que Pierre Mathiot ait réfléchit à la question (ou plutôt oublié ses faux principes ?) et s’est dit favorable à une exonération de ces frais pour les boursier.e.s. Il a ainsi été mandaté pour discuter de cela avec le réseau Sciences Po, puisque ce genre de décision devrait être actée par l’ensemble des IEP du concours commun. Nous souhaitons travailler de notre côté avec les élu.e.s étudiant.e.s des autres IEP afin qu’iels puissent aussi faire pencher leur direction respective pour qu’elles se positionnent en faveur de cette exonération. Nos élu.e.s ont voté pour que Mathiot mène ces négociations.
A cela s’ajoute une augmentation de l’enveloppe attribuée à la Commission d’Aide Sociale (CAS) de 15 000€, portant son budget total à 86 000€. Alors qu’il y a deux ans seulement la moitié de celle-ci était distribuée aux étudiant.e.s, le reste allant dans le fond de roulement de l’IEP, notre victoire de l’an passé pour rendre obligatoire l’utilisation totale de cette enveloppe porte aujourd’hui ses fruits, face aux besoins de nombreux.ses étudiant.e.s ayant une situation financière difficile.
Nous sommes heureux-ses aussi de l’annonce faite concernant les Happsy Hours. Face à la saturation de celles-ci et au délai d’attente trop important, dès le début d’année, que nous avons fait remonter à la direction, le nombre de permanence va être doublé.
>> Et toujours des blocages…
Nous avons soulevé le problème des frais d’inscription des étudiant.e.s chinois.es. En effet ceux-ci s’élèvent automatiquement à la tranche maximale des frais modulés (4000€), peu importe les revenus des parents ou des étudiant.e.s. L’explication ? Il n’y aurait aucun moyen de retranscrire la situation sociale d’une famille chinoise par rapport aux critères nécessaires en France. Contacté à ce sujet avant le CA par un étudiant chinois en difficulté, Pierre Mathiot lui avait assuré qu’il ferait quelque chose au CA concernant ce problème. Il nous avait assuré la même chose en réunion avant le CA, nous affirmant qu’il ne trouvait effectivement pas cette situation normale, et qu’il fallait travailler à trouver un moyen de retranscrire les informations fournies par les étudiant.e.s chinois.es concernant leur situation finanière. Pourtant au CA, Pierre Mathiot nous a fièrement dit qu’il ne pouvait tout simplement pas y avoir de frais modulés, expliquant qu’il était important que ça soit cher pour le prestige de l’école ! Il semblerait que la motion signée l’année dernière contre la hausse des frais d’inscription pour les étudiant.e.s extra-communautaires dans ce même CA soit désormais bien loin dans l’esprit de Pierre Mathiot. La seule solution qui a donc été proposée est que si certain.e.s étudiant.e.s sont en difficulté, qu’iels aillent le voir directement pour une “procédure spéciale”. Encore une fois, Pierre Mathiot préfère fonctionner par de l’interpersonnel, tout en soutenant un système véritablement injuste.
Concernant les coûts élevés qu’implique la vie étudiante à l’IEP, nous avons également ramené le sujet de Toc Toque, traiteur privé à qui l’IEP sous-traite la gestion de la cafétéria. Si ce traiteur paye une redevance fixe à Sciences Po Lille, pour occuper l’emplacement et utiliser le matériel et l’électricité nécessaires qui lui sont mis à disposition, il y a en plus de cette redevance fixe une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires effectué. Ainsi, Toc Toque a dégagé un chiffre d’affaires d’environ 100 000€ sur l’année, parmi lesquels 4% sont reversés à l’IEP. Comme le contrat signé entre l’IEP et Toc Toque ne s’achève qu’en 2022, difficile de trouver une solution à court terme…
En parlant d’avenir flou, parlons réforme des masters… Si plusieurs enseignant.e.s ayant en charge cette réforme s’était réuni.e.s dans l’après-midi le même jour où avait lieu le Conseil d’Administration, les incertitudes quant à cette réforme restent nombreuses. En effet les ambassadeurs et ambassadrices de master ont été consulté.e.s, certain.e.s enseignant.e.s ont même consulté l’ensemble de leurs étudiant.e.s de master, quant aux modifications suggérées par elleux. Si un début de maquette est en cours, nous ne disposons que de très peu d’informations. Si les élu.e.s étudiant.e.s seront associé.e.s à celle-ci début janvier, il a été souligné un “devoir de réserve”, limitant notre poids à une simple consultation. Une pré-maquette devrait donc être proposée seulement au mois de mai 2020.
Enfin, vous l’aviez remarqué, le jour du CA et le veille de celui-ci, deux vigiles étaient postés à l’entrée de l’IEP. Deux jours plus tôt, Pierre Mathiot nous assurait être opposé à la présence de vigiles au sein de l’école, voulant garder seulement le contrôle actuel avec la porte. Comme l’a souligné le président du CA, ce point devait être à l’ordre du jour puisqu’il s’agit d’une note ministérielle en rapport avec le plan vigipirate. Même en sachant cela, Pierre Mathiot nous assurait qu’il préférait que l’IEP reste un lieu ouvert, où chacun.e pouvait entrer. Pourtant avant même que le CA ait eu lieu, deux vigiles contrôlaient les entrées dans l’IEP, et vous re-dirigeaient vers l’accueil où votre nom était recensé, si vous n’aviez pas sur vous votre carte étudiante. Pierre Mathiot a donné comme justification à cela la peur d’une “intrusion” face aux “lycéens qui se promènent dans le quartier”. La veille, alors qu’un cortège de nombreux.ses lycéen.ne.s avait rejoint les étudiant.e.s mobilisé.e.s devant le blocage de l’IEP, la police est intervenue en gazant la foule entière, sans aucune sommation, lançant une trentaine de palets de gaz lacrymogène devant l’IEP et la BU. Nous condamnons l’hypocrisie de Pierre Mathiot qui dit refuser un contrôle par des vigiles à l’entrée de l’école, mais qui n’hésite pas à réduire cette liberté pour ses étudiant.e.s quand la police gaze, comme si la faute était à celleux qui ont dû se réfugier dans la bibliothèque.
Alors même que deux jours plus tôt, Pierre Mathiot confiait aux élu.e.s étudiant.e.s que ça l’arrangeait si nous décidions de voter contre ce point, car il était (soi-disant) opposé à ce dispositif, nous avons été les seul.e.s à voter contre la modification de la note. Cette modification impliquait en fait que Pierre Mathiot soit seul décisionnaire quant à la gestion de ces vigiles, c’est-à-dire qu’il choisit les jours où ceux-ci sont installés. Le président du CA s’est empressé de nous faire culpabiliser, nous sermonnant : “j’espère qu’il ne se passera jamais rien et je saurai m’en souvenir si jamais”.